Le Bazzart de Kalys

Sucker Punch

En matière de cinéma, j’ai tendance à faire confiance à Lionel. Sans doute, avouons-le, pour la seule et unique raison que ce con-là écrit bien, et que de ce fait, je tombe facilement dans les rets de sa rhétorique. La preuve : j’ai cru sur parole que Sucker Punch n’était pas bon. Si Lionel l’a dit, il a forcément raison ; ses arguments sont imparables.

Comme vous vous en doutez, voici venue la fin de l’innocence. Parfois – rarement!- Lionel a tord. C’est moins triste que décourageant : quand je pense à tous les navets que je vais devoir regarder… Avant au moins, Lionel débroussaillait le chemin. Mais je ne peux plus prendre ce risque.

Bon! Trêve de plaisanterie :P Vous l’aurez compris, j’ai pour ma part pris beaucoup de plaisir à visionner Sucker Punch, le dernier film de Zack Snyder. Je m’attendais à un mauvais film, et en fait de bouse, je venais de regarder Battle Los Angeles, ce qui fait qu’en réalité j’étais dans de très bonnes dispositions pour recevoir Sucker Punch comme il se doit : comme un hommage et un fantasme.

Je crois que le principal reproche que Lionel adressait à ce film, c’était qu’il tentait d’être intelligent, ce avec quoi je ne suis absolument pas d’accord. A moins que, dans le même état d’esprit, on ne considère que quand Spiderman s’interroge sur sa condition, l’auteur s’essaie à la philosophie. Sans être complètement dénué de sens, Sucker Punch est avant tout graphique. Les raccourcis psychologiques participent de cet aspect-là. Ce film est comme un comic book, ou encore une fresque. C’est la Tapisserie de Bayeux version filmée, voyez-vous. Il s’agit d’aller à l’essentiel, de frapper fort.

Pour ma part, l’absence de discours structuré ne me gêne absolument pas. La réalisation – superbe -, la narration linéaire, sans digression existentielle, contribuent à frapper l’imagination seule, et non l’intellect.

Pas un seul instant, on n’est tenté de regarder ce film pour autre chose que ce qu’il est : un film. Pas seulement une histoire, mais un environnement sonore et visuel. Les premières scènes sont supposées se dérouler dans le monde réel, et pourtant déjà, le soin accordé à la lumière, le traitement des couleurs, les effets de ralenti, la musique, nous mettent dans l’ambiance : ceci est non seulement une œuvre de pure fiction, mais surtout une œuvre esthétique. Partant de là, tout est permis, ou presque. Ensuite, les degrés de fiction se superposent, au gré de l’imagination de l’héroïne. Les mélanges les plus douteux sont valides. Elle rêve. Qui plus est, elle rêve pour échapper à une réalité sordide. Dans ces conditions, je lui pardonne aisément ses excès. Et même, j’y ai pris plaisir : c’est une débauche de fantasmes de supers pouvoirs, de mondes magiques, un rêve pour ado complètement allumé. En deux mots, c’est cool :D

Enfin, bien que ce thème méritait amplement d’être approfondi, j’ai été sensible à la mise en abyme perpétuelle autour de laquelle le film est structuré. J’aime que Babydoll, un personnage fictif, se demande qui raconte l’histoire… et de quelle histoire il s’agit exactement. Quand, alors qu’elle en est de toute évidence l’héroïne, elle dit, dans un éclair d’étrange lucidité, à sa copine Sweet P : « ce n’est pas mon histoire… c’est la tienne. » Et après tout, c’est peut-être bien l’histoire de Sweet P, bien que personne ne l’ai racontée…

Bref, pour moi, Sucker Punch est un film honorable, qui remplit son cahier des charges sans le transcender. Le scénario est cohérent, la réalisation agréable avec de vrais beaux moments, la bande son ma foi fort sympathique. Ce n’est pas un chef d’œuvre, mais il a le mérite de tenir ses promesses, sans tour de passe-passe, et sans essayer de faire passer un message.

La chronique de Lionel

PS: à la lecture d’autres chroniques de-ci de-là, je suis apparemment la seule à ne pas être gênée par l’absence « flagrante » de scénario…


  1. Ouais, j'avais souri en lisant la chronique de Lionel, parce qu'il (je trouve) a trouvé nul dans ce film ce qu'il avait bien aimé dans Avatar.

    Moi Sucker Punch, c'est partagé. Je ne l'ai pas trouvé transcendant, mais j'apprécie l'énergie et la passion que Snyder y a mis. Un jour, ce gars-là fera un très bon film, mais ce n'est pas encore tout de suite (peut-être le Superman ?)

  2. Non, moi non plus je ne l'ai pas trouvé transcendant… En y re-réfléchissant par la suite, je me suis rendu compte que si j'avais envie de défendre ce film, c'est parce qu'à défaut d'être bon, il n'était pas mauvais… Je tombe sur tellement de films faiblards, en ce moment, que Sucker Punch m'apparait comme une réussite, pas brillante, mais convenable. Au moins déjà, pas d'incohérence dans le scénario, pas de raccourcis faciles, pas d'ellipses… Tu vas me dire, c'est facile, puisque apparemment, il n'y a pas de scénario :D

  3. Bah merde, je ne serais plus cru sur parole? Tant mieux, au contraire! :)

    En fait, j'ai tendance à m'efforcer de "critiquer" les films (et les oeuvres de façon générale) selon trois critères principaux: à qui ça s'adresse; est-ce que ça fait avancer la fiction; est-ce que les intentions apparemment déclarées sont atteintes. Je défends Avatar parce que c'est un blockbuster qui visait plutôt le ras du béton et parvient justement à passer un discours (à mon sens) qui s'élève plus haut que ça. Mais j'aurais voulu, justement, que Sucker Punch vise le ras du béton; parce que, à mon goût, il rate ses ambitions. :)

  4. Moi, le discours d'Avatar, ça m'a fait l'effet d'un remake puant du bon sauvage de Rousseau. Sans parler bien sûr de l'aura débilitante d'un Pocahontas pris au premier degré (la nature, c'est cool, vous pauvres civilisés dégénérés, vous êtes bêtes comme des enfants (pardon mais la réaction à Avatar est assez épidermique chez moi)).
    Maintenant, j'ai deux avis sur Sucker Punch, je n'ai plus qu'à le regarder :)

  5. @Lionel : je pense que tes critères sont légitimes, et que, même si je ne formalise pas ma réflexion à ce point, je respecte à peu près les mêmes. Sauf qu'il ne me semble pas si évident de dire ce qu'un réalisateur visait ou pas…
    PS : non, un mythe s'écroule, et en plus, comme je disais, je vais devoir me taper plein de films nuls pour vérifier que tu n'avais pas tord :D

    @Maloriel : pour faire bonne mesure, je regarderai également Avatar :D

  6. Bah, Avatar, j'ai kiffé ce que j'ai aimé dans Sucker Punch justement : le côté grand spectacle. Dans les deux cas, l'histoire est pourrave.
    Mais je comprends le point de vue de Lionel : parfois, ça sert à rien de chercher une histoire compliquée, surtout quand on n'est un peu limite dans le domaine.
    Le truc, c'est que Snyder, il ne réalise que des commandes de producteurs, Sucker Punch était son premier film d'auteur, on voit que c'est pas encore au point. Mais je lui fait confiance pour s'améliorer. Alors que franchement, je n'attends plus grand chose de Cameron…

    Au fait Nath : "tort" :D

  7. Je ne comprends pas pourquoi je ne suis jamais parvenue à assimiler cette orthographe :)

  8. Puisqu'on en parlait l'autre soir, je me suis motivé à le regarder, et je ne suis vraiment pas fan. Enfin il fallait bien le regarder pour comprendre le phénomène.

    Le spectacle graphique est impressionnant, les scènes d'action le sont aussi, mais c'est un film qu'on pourrait très bien regarder sans son. Et autant se tapper des demo-scène/reel/tech.

    Par contre, alors que je pense que le film ne tient pas vraiment debout, si on prend en compte le faite qu'elle est censée imaginer le tout, on peut se rappeler de ces rêves incompréhensibles mais néanmoins super cools.

    Mais comme dans un rêve, on s'attache qu'aux personnages qu'on connait déjà. Nos acteurs n'ont aucune substance, et je dois forcer la mémoire pour me rappeler d'autre chose que des poupées en jupes. On ne suit pas un chemin de développement qui pourrait nous permettre de nous attacher ou expliquer la capacité incompréhensible qu'ont ces fillettes à détruire des monstres et des armées entières sans aucun effort. Tout cela participe à mon apathie totale lorsqu'elles meurent quasi toutes régulièrement.

    Certaines scènes m'ont plu. Le méchant principal nous fait une bonne scène à faire grincer ses dents vers la fin, et la reprise des personnages dans chaque fantaisie fait sourire.

    Ce film essaie de tout faire, mais on a eu tellement d'exemples de films mieux conçus pour ces thèmes : Inception pour le rêve imbriqué, Matrix pour les combats, des centaines de films de guerre, de science fiction et de trips psychologiques …

    Avatar carburait pas mal sur le côté "eye candy", mais a au moins le mérite de développer les personnages, même si il suit le scénario "occidentaux qui se sentent coupable pour le colonialisme", on peut pas dire que l'histoire manque.
    Ce mini documentaire parle du phénomène du remix dans le cinéma, et ça vaut pas mal le coup : http://vimeo.com/kirbyferguson/everything-is-a-remix-part-2

    Note finale, la bande son… parmi mes chansons préférées mixées à une sauce techno ou chantées par Emily Browning. On avait vraiment besoin de tout reprendre? Les Pixies, Queen, Roxy Music, Jefferson Airplane, Iggy, The Smiths, Eurythmics…

  9. Tu fais des remarques très justes, notamment à propos des personnages. Avec Maloriel, on se faisait d'ailleurs la réflexion que, les deux filles qui se font tuer par le méchant… on dirait que Snyder s'est dit "ah merde, j'ai trop de personnages,je sais pas quoi en foutre de ces deux-là" :D

    Encore une fois, je m'incline volontiers devant vos critiques ; j'ai été séduite par l'aspect stylisé de l’œuvre, pas par sa profondeur.
    Quand je regarde des peintures pariétales, je ne m'émeus pas de la mort du guerrier, j'admire la composition :)

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