Le Bazzart de Kalys

Fear of the Dark – Entracte

La version complète de mon message intitulé Fear of the Dark II s’achevait sur une remarque concernant la musique dans Ring, et particulièrement dans cette scène :

Je me faisais alors la réflexion qu’on avait déjà entendu un son de ce type dans une série qui allait devenir culte, et que c’était alors la bande sonore, plus que l’image, qui concourait à rendre cette courte scène si effrayante.

J’avais trouvé ça intéressant, parce qu’on perçoit le cinéma essentiellement comme une expérience visuelle. Une mésinterprétation courante, dont on trouve des exemples dans un tas de mauvais films d’horreur, qui misent tout sur des effets spéciaux grand-guignolesques produisant l’inverse de l’effet escompté. Je pense que la peur prend racine dans l’invisible : une fille qui marche seule dans la rue se retourne toutes les quinze secondes, effrayée à l’idée d’être suivie. Dans une vieille maison isolée, le grincement des lattes du plancher et les volets qui claquent créent une ambiance propice aux histoires de fantômes.

Ce n’est que lorsque le climat de peur est installé, que l’on peut se permettre de montrer quelque chose ; et encore, l’on a intérêt à être bon : comme le faisait remarquer Stephen King, on court le risque de décevoir un public dont chaque individu s’est fait sa propre idée de ce qui est effrayant.

Je ne sais si c’est un budget limité qui a d’abord obligé les réalisateurs de X-Files à faire preuve d’inventivité, mais toujours est-il que la plupart des épisodes et l’intrigue globale respectent ces principes. X-Files est une des rares séries à parvenir à capter l’attention sans montrer grand-chose. Rappelez-vous : quel que soit l’endroit que visitent Mulder et Scully, bâtiment officiel ou maison particulière, forêt ou ruelle, il fait toujours noir. Le suspense se maintient pendant neuf saisons, parce que les scénaristes maîtrisent l’art du dévoilement. Dévoilement, pas monstration. Plus on en sait sur la conspiration, plus les zones d’ombre se révèlent colossales, sans pour autant nous frustrer : nous sommes amenés à admettre que la plupart des choses nous échappent. La relativité de nos vérités nous met dans une situation inconfortable. Nous ne maîtrisons rien. Nous traçons vaillamment nos routes dans le noir.

Pour ma part, j’ai plus d’intérêt pour les épisodes indépendants que pour ceux étayant l’intrigue générale, quoi que ceux-ci aient mis en scène des personnages désormais cultes, à l’image de l’Homme à la cigarette. Un personnage, soit-dit en passant, jamais égalé dans les autres séries. Mais l’idée principale de X-Files est un postulat qui se veut réaliste. Dans ces épisodes, on ne nous permet pas de mettre en doute ce que l’on voit et il est difficile d’échapper à l’interprétation de Mulder. Tous les indices vont dans son sens. La preuve, même Scully finit par lui donner raison. Je suis plus sensible aux histoires dans lesquelles il est question de foi et de parcours personnel. Par exemple, l’un de mes épisodes favoris est L’âme en peine, All souls en anglais, dans lequel Scully, confrontée à un « miracle », se voit tiraillée entre sa foi chrétienne et sa conviction scientifique. Moins obstinée que Mulder, Scully ne peut trouver de réponse à ce qu’elle a vu. Je trouve cette incertitude métaphysique plus fertile que les assertions de Mulder qui, s’il ne peut tout expliquer par a+b, demeure convaincu de l’existence du paranormal, dessinant un univers à deux dimensions : ce que l’on sait, et ce dont on n’a pas encore compris le fonctionnement, mais qui existe également, sans doute possible.

De même, dans Via Negativa, la tension provient de ce que Dogett est confronté à des phénomènes profondément perturbants, auxquels il ne croit absolument pas et qu’il est pourtant en train de vivre personnellement. Mulder est rarement désarçonné puisqu’il est déjà un believer. Par conséquent, les épisodes dans lesquels il intervient sont moins effrayants. Ce qui fait peur, d’après moi, c’est l’introduction dans notre univers de ce que nous pensons ne pas devoir y être. C’est l’apparition de quelque chose qui fait chavirer la totalité de nos repères.

 

De manière plus triviale, la grande réussite de X-Files, c’est tout simplement d’avoir mis en scène des monstres plus ou moins vraisemblables mais dont la série a su tirer tout le potentiel. La lumière, les cadrages, le jeu des acteurs, tout concourt à leur donner une très forte présence, suffisante pour les faire passer de l’écran à l’imagination. Je ne connais personne qui, enfant, ait découvert l’existence de Tooms et n’ait pas ensuite conçu une appréhension certaine à se rendre dans la salle de bain. Evidemment, un enfant est moins pointilleux qu’un adulte sur les questions de crédibilité. Mais comme je le disais plus haut, c’est parce que X-Files exploite toute une palette d’effets sensoriels qu’elle parvient à nous effrayer. Dans cette fameuse scène de Compression, il faut avoir les nerfs solides pour supporter ces fameuses « plucking strings » (cela désigne la façon dont on pince les cordes pour créer cet effet musical rampant). Et au départ, on ne voit rien de Tooms… On sait juste que la présence d’un truc capable de dévisser la grille d’une bouche d’aération de l’intérieur est carrément anormale et donc flippante.
Tooms, le Fétichiste, le Pusher… Autant de personnages magistralement interprétés et filmés, à tel point que les fans les ont plébisités pour un second épisode. Je plussoie. Et si aucun de ceux-là ne vous a effrayés, alors peut-être êtes-vous plus sensibles à des créatures telles que le Chupacabra, les extraterrestres, les démons… X-Files a exploré la totalité de la palette fantastique et a même été suffisemment inventive pour  créer ses propres légendes.

X-Files ne pouvait pas ne pas figurer dans mon palmarès, ne serait-ce qu’à titre d’outsider puisqu’il s’agit d’une série et non d’un film. Nombre de ses épisodes ont eu plus d’impact sur moi que ces films dénués de scénario comme d’intention de réellement faire peur. Pour créer une angoisse durable et fertile, il faut plus qu’un monstre. Il faut que quelque chose de ce monstre nous contamine. Il faut qu’avec lui vienne une question, insidieuse, une interrogation qui se fiche en nous sans que l’on en prenne vraiment conscience. Une écharde. Une piqûre que l’on gratte sans vraiment y penser.


  1. Ah ! X-Files !
    Je peux pas dire que ça me fasse peur (j'ai eu peur au tout début quand j'avais huit ans), mais ça m'empêche pas d'adorer cette série. J'ai également une (très) nette préférence pour les épisodes loners de la série, bien plus intéressant. Par contre, tous les épisodes religieux de Scully m'ont particulièrement ennuyés… Mais bon… Le shériff a les dents longues, le nouveau Prométhée, celui dans le triangle des bermudes, Tooms, La Meute, celui dans le cirque…

  2. Comme je tentais de l'expliquer, je trouve dans les épisodes consacrés à Scully une plus grande profondeur. Et ils permettent d'offrir un point de vue intéressant de la part de Mulder, le type qui croit aux extraterrestres et aux vampires, mais ne pourra jamais admettre l'existence de dieu.
    En plus, je trouve ce personnage (Scully) très beau, très touchant, il méritait un développement que la série a tardé à lui accorder.

    Je n'arrive pas à me souvenir de l'épisode dans le cirque :S

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