Le Bazzart de Kalys

Fear of the Dark – Finale

Si la position au classement des films précédents est amenée à changer en fonction de mon humeur, celle des trois premiers est immuable et sacrée. Les commentaires négatifs et/ou polémiques n’auront aucune influence :D

3. L’exorcisme d’Emily Rose, Scott Derrickson, 2005

L’exorcisme d’Emily Rose n’est pas un film d’horreur ordinaire. Il ne requiert pas la suspension de la crédulité ordinairement nécessaire pour appréhender les œuvres ressortissant de l’imaginaire, et ce, parce qu’il vous pousse à vous interroger plutôt que de vous balancer des assertions. Personne n’y affirme la réalité du mal. Dans cette histoire, il n’est question que de différentes interprétations.

Le film s’articule autour des scènes du procès du père Moore, accusé d’avoir causé, par sa négligence, la mort de la jeune Emily. Celle-ci, en proie à des hallucinations et à des crises durant lesquelles elle perdait tout contrôle d’elle-même, était venue le trouver en le suppliant de l’exorciser. De leur côté, les médecins avaient diagnostiqué une épilepsie sévère et ordonné un traitement, qu’Emily avait cessé de prendre, persuadée qu’il empirait son état.
Le père Moore est défendu par une avocate, Erin Bruner, qui ne croit pas en l’existence de phénomènes surnaturels mais souhaite démontrer que son client a agi au mieux en respectant les convictions d’Emily et de ses parents. Pour elle, qu’Emily ait été malade ou possédée importe peu.
En parallèle, une série de flashbacks nous montre le parcours d’Emily, des premiers symptômes à l’exorcisme final.

Puisqu’on parle film d’horreur (ou « vue de peur » comme disent les Québécois ;P), je dois d’abord souligner la terrifiante performance de Jennifer Carpenter. Je viens seulement de réaliser que c’est elle qui joue la sœur de Dexter ! Ce qui arrive à Emily est réellement super flippant. On n’a pas envie d’imaginer ce qu’elle ressent, pas plus qu’on ne souhaiterait se trouver dans la même pièce qu’elle. Peu à peu, le malaise contamine l’auditoire du tribunal, et Erin Bruner elle-même (interprétée par Laura Linney) s’en trouve ébranlée, un bon prétexte pour introduire de nouvelles scènes angoissantes parce qu’insidieuses. En fait, l’histoire d’Emily finit par faire peur à tout le monde, parce que, quelle qu’en soit la cause, les conséquences sont spectaculaires.

Ce qui fait vraiment l’intérêt de ce film, c’est qu’il nous amène à nous interroger : croyons-nous que le mal existe ? La maladie en est-elle une incarnation? Comment y faire face? En posant ces questions plutôt qu’en nous projetant d’emblée dans un univers fantastique, le film gagne en crédibilité. Il ne nous oblige pas à nous conformer à une vision du monde, ni ne nous place dans une attitude de passivité vis-à-vis des images. La peur qu’il instille est productive.

2. The Shining, Stanley Kubrick, 1980

Honnêtement, je n’ai pas grand-chose à dire sur Shining. Tout le monde voit bien combien les techniques employées par Kubrick sont pertinentes et efficaces. Quant au fond, il n’est pas particulièrement riche ni novateur. Pour moi, la grande réussite du film réside dans sa subtilité, c’est-à-dire à la fois dans l’interprétation de Jack Nicholson et dans le pouvoir suggestif des images et des dialogues. Ma scène préférée est celle où Wendy se rend compte que les centaines de pages tapées par son mari depuis deux semaines ne font que répéter la même phrase… « Too much work make Jack a dull boy ». C’est la prise de conscience que quelque chose est détraqué, et que c’est insidieux, qu’on n’a aucune prise dessus. Avoir peur de quelqu’un que l’on croit connaître par cœur, qui partage notre vie depuis longtemps, et s’apercevoir que l’on n’a aucune influence sur lui, me semble pire que les peurs irrationnelles nées de l’obscurité.

1. L’exorciste, William Friedkin, 1973

Même après toutes ces années, même après plusieurs visionnages… L’exorciste demeure le film qui me terrifie le plus, et c’est pourquoi je le place en tête de liste. A force de regarder des films d’horreur, on commence à en connaître les codes, et puis on se rend compte que les réalisateurs n’osent pas toujours exploiter leurs idées à fond, ou bien que, prétextant savoir ce qu’aime le public, ils ne parlent pas de leurs propres peurs… et loupent le coche.

Dans L’exorciste, ce n’est pas l’intelligence du propos qui fait mouche chez moi. C’est le fond symbolique. On aura beau les expliquer, les passer au crible de la psychanalyse ou de l’anthropologie, la plupart de nos peurs sont irrationnelles. L’être humain est doté d’une capacité merveilleuse, qui résistera toujours aux réductions scientifiques : l’imagination. Il n’est pas question de débattre de l’intérêt de cette fonction… Le fait est qu’elle concourt à rajouter une dimension à la réalité.

Je ne crois pas à l’existence du mal comme entité, mais je n’en ai pas besoin. Lionel parle souvent de la suspension de la crédulité nécessaire pour entrer dans une histoire, qu’elle soit filmée ou racontée. C’est un processus qui d’après moi fonctionne très bien dans L’exorciste. La fameuse « spider walk » ajoutée à la seconde version du film est sans doute l’image la plus terrifiante que j’aie jamais vue, et c’est en partie parce qu’avant de voir Regan arriver, on l’entend. D’une manière générale, la première partie du film, soit celle qui précède le début de l’exorcisme, me semble la meilleure, parce qu’elle suggère plus souvent qu’elle ne montre. En tout cas, chaque image destinée à choquer est soigneusement amenée, par des bruits notamment, ou de petites anomalies qui, mises bout à bout, finissent par vraiment vous porter sur les nerfs et provoquent un effet d’attente angoissée, qui se mue facilement en terreur quand la tension monte encore d’un cran.

Mathias me faisait remarquer que la peur dans L’exorciste est provoquée par un mécanisme exactement inverse à celui d’Alien : dans Alien, on craint une créature que la plupart du temps, on ne voit pas. On sait qu’elle est quelque part, mais on ne sait pas où, et on prie pour ne jamais le savoir car cela signifierait qu’elle serait tout près. Dans L’exorciste, on est terrifié parce que la chose est là, bien présente, dans notre propre maison, et qu’on est obligé de l’affronter.

Le principe de L’exorciste est très simple : la peur réside dans l’inversion. C’est parce que Regan est supposée être une petite fille, enjouée et légère comme le sont les enfants, qu’elle devient terrifiante quand elle se met à dire et faire ces choses. Cela provoque un malaise, pire évidemment que si les obscénités en questions étaient venues, disons, d’un homme mûr avec une tête de pervers. Ainsi, le processus à l’œuvre est d’abord un processus d’altération, l’introduction d’une anormalité. Et comme dans Alien, c’est ensuite la confrontation avec une chose qui nous est tout à fait étrangère. Altérité et altération sont donc les deux moteurs du film, et je crois que ces mécanismes devraient être à la base de tout film d’horreur. Comme je le disais en introduction, ce qui m’intéresse, c’est le décalage de perspectives. Un bon film d’horreur regarde la réalité en faisant un pas de côté.



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