Le Bazzart de Kalys

Mister Babadook

Marrant de constater que sur ce coup-là, les médias « idiots » (Paris Match, TF1… Les Inrocks…) ont bien mieux saisi le film que leurs confrères intellos.

Mad Movies pense que la réalisatrice se croit intelligente (bon, MM n’est pas un canard intello, mais il est spécialisé) ; quant à Télérama, ils estiment que le film enchaîne les clichés et manipule toutes les ficelles du nanar d’épouvante.

C’est pas faux. Sauf que… Babadook est moins un film d’horreur qu’un film psychologique, et il faut quand même être bien bête pour ne pas s’en apercevoir… ou au moins le signaler dans la chronique, afin d’être honnête avec le spectateur.

Quant aux effets spéciaux, qui parait-il nuisent au film par leur côté cheap… Mais what ?! Reprenons depuis le début :

Amelia est une jeune veuve qui élève seule son fils depuis six ans, puisque celui-ci est né la nuit-même où son père est mort dans un accident de voiture. Le fiston est un rien turbulent : il prétend qu’un monstre vit dans sa chambre et fabrique des armes pour s’en protéger. Amelia n’arrive pas à canaliser le sale gosse, qui se fait virer de l’école après y avoir apporté un truc pointu et dangereux. On lui dirait bien d’appeler un psy, mais la pauvre semble complètement dépassée.

Puis un jour, fiston veut qu’on lui raconte une histoire – comme tous les soirs, mais le livre qu’il a trouvé sur l’étagère n’est pas tout à fait habituel. Intitulé Mister Babadook, c’est un bouquin dans la grande tradition des livres pour enfant, vous savez, avec des silhouettes découpées qu’on peut faire bouger en tirant sur une languette. Et l’histoire qu’il raconte, sous la forme d’une comptine comme les Anglais en ont le secret, est plutôt dérangeante et tout à fait impropre à endormir un enfant.
Évidemment, après ça, Amelia peut toujours jeter le livre – qui revient –, le gamin est persuadé que le monstre qui le poursuit est Babadook.
Fiston devient incontrôlable, ne laissant pas une minute à sa mère. Amelia ne dort quasiment plus et commence à perdre le contrôle.

Ce que je trouve intéressant, c’est qu’une partie des médias ayant décrié le film parce qu’il n’était pas vraiment effrayant n’ont de toute manière nul attrait pour les films d’épouvante. Du coup, reprocher au film de ne pas atteindre son objectif relève de la malhonnêteté. Ces gens n’ont de peur de rien, puisque les histoires basées sur l’imaginaire relèvent du pur délire pour eux.

Babadook ne fait pas peur. Mais Babadook, c’est pourquoi je vous parlais du livre, est un personnage de livre pour enfant ! C’est un croque-mitaines, et même si un illustrateur jeunesse sain d’esprit ne dessinerait pas ça, l’aspect physique de Babadook est emprunté au vocabulaire pictural enfantin. Je ne pense pas que ce soit un hasard si notre épouvantail est doté, à l’instar d’un certain Freddy Krueger, de mains griffues et d’un chapeau mou…

Dans une interview accordée avant la sortie en salle, Jennifer Kent explique que le point de départ de cette histoire est le suivant : que se passe-t-il quand une personne ne parvient pas à surmonter un événement traumatisant ? Comment ses émotions refoulées mais bien réelles s’expriment-elles ?
De mon point de vue, c’est cette question fondamentale qui fait la valeur du film. Oui, la maison d’Amelia est hantée. Mais par qui ?

Je ne nie pas que le film ait quelques défauts. À commencer par la prestation du môme, Noah Wiseman. Jennifer Kent le trouve formidable – tant mieux, au moins elle n’est pas déçue par le rendu de son idée. Quant à moi, je trouve ce jeune acteur plutôt insupportable. OK, il n’a que six ans. Mais sa bouche est perpétuellement ouverte dans une espèce de sourire un peu humide et toujours terrifiant, parce que quand il est censé être mignon tout plein, il fait la même tête qu’en pleine crise d’hyperactivité.
Puis je ne trouve pas son personnage très crédible : eh, il n’a QUE six ans. Il ne peut pas dire à sa mère « Je te protégerai si tu jures de me protéger aussi ». Juste après avoir tapé une crise de colère monumentale avec gros sanglots à l’appui.
Essie Davis par contre, est époustouflante (elle joue Amelia). Elle porte tout le film.

Babadook ne vous fera pas peur si vous ne vous êtes jamais interrogé sur votre santé mentale ou sur celle d’un de vos proches. Oui, sa réalisation est très classique – mais très soignée et franchement belle.
Si en revanche vous avez un penchant pour les comptines malsaines et un sens inné de la métaphore, jetez-vous dessus.

One, two, Freddy’s coming for you
Three, four, better lock your doors
Five, six, grab a crucifix
Seven, eight, gonna stay up late
Nine, ten, never sleep again



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