Le Bazzart de Kalys

Electroböxx IV

Le cas mexicain

Mais que se passe-t-il au Mexique ? Tout ce que je peux dire, c’est que les groupes là-bas composent une électro bien particulière, avec une couleur propre, qu’il serait très réducteur de ramener à l’influence du plus connu d’entre eux, Hocico.

Affirmer que l’électro mexicaine est ma préférée tient quasiment de l’euphémisme. C’est une scène très jeune (les groupes dont je vais parler ont été fondés pour la plupart après 2000 !), débordant de rage, dont les compos très agressives sont aussi ultra-mélodiques. C’est d’ailleurs ce sens de la mélodie qui me frappe le plus quand je les écoute. C’est assez hallucinant d’arriver à produire de telles bombes sonores sans jamais perdre de vue la musicalité. Sans mélodie, un morceau n’est rien de plus qu’un amas de sons plus ou moins bruyants. Un défaut qu’on retrouve dans le Black Metal old school, le grind et autres horreurs n’ayant apparemment d’autre but que de liquéfier le cerveau de l’auditeur.

Ce qui me touche aussi, c’est que j’ai la sensation que la violence que revendiquent ces formations n’est pas une posture. C’est difficile d’expliquer pourquoi, simplement elles me paraissent honnêtes. Peut-être est-ce l’absence d’affectation dans les textes, peut-être est-ce la paternité d’Hocico, dans tous les cas ces groupes me donnent l’impression de sortir des bas-fonds de Mexico City.
Mais commençons par le début…

Hocico

Vétérans d’une scène qui n’existerait sans doute pas sans eux, Hocico compose depuis 1993, date à laquelle ils ont sorti Misuse, abuse, and Accident, leur première cassette démo.

Addiction – Misuse, Abuse and Accident – 1993 – Repris dans le CD anniversaire Hate never dies en 2003

Sale, nerveux, et répétitif, ce morceau semble aux antipodes de ce que compose Hocico actuellement. Sauf que… On entend déjà ces basses rampantes qui sont leur marque de fabrique. Deux ans plus tard, ils sortent une troisième démo, Triste Desprecio (après Autoagresión permanente, paru en 1994). Douze titres bizarres, longs, douloureux, à l’image de Controversy.

Controversy – Triste Deprecio – 1995-1996 – Repris dans Hate never dies

Déjà beaucoup plus mélodique, ce titre montre plutôt bien la direction prise par le groupe, résolument mélodique, malgré toute la souffrance et la colère exprimée par la voix d’Eric Aicrag, le chanteur. On y retrouve d’ailleurs le fameux piano, lui aussi absolument typique, et de nouveau les fameux sons de basse.

Leur premier album signé, Odio bajo el alma parait en 1997. C’est le début de la gloire ! La preuve : cette interview filmée en 1999 par la télévision mexicaine généraliste !

Après quoi, Hocico enchaîne les albums et vingt-et-un ans plus tard, il y en a trop pour que je les liste. Je retiendrai tout particulièrement le très mélodique Signos de Aberracion en 2002, le curieusement calme Memorias Atras en 2008, et bien sûr Tiempos de Furia, mon préféré.

Bloodshed – Signos de Aberracion – 2002.

À noter qu’Oscar Agroyam, compositeur et claviériste du groupe, a sorti deux albums solo sous le nom de Dulce Liquido. Le second est beaucoup moins indus que le premier et se rapproche très sensiblement de ce que fait Hocico. Quant à Eric, il a créé de son côté Rabia Sorda, plus « rock » et accessible.

Amduscia

Pas très longtemps après Hocico, Mexico City voit naître Amduscia, fondé par Polo et Edgar en 1999. La première démo ne voit le jour qu’en 2003 et ne contient que six titres, mais elle est suivie la même année d’un premier album intitulé Melodies for the Devil, dont Out of Line dira que rarement album avait été aussi demandé par les fans (source : le site officiel d’Amduscia). Et je comprends pourquoi !

Fucking Flesh – Melodies for the devil – 2003.

Sur leur site, les zicos expliquent qu’Amduscia est le nom d’un ancien démon, musicien aux mains vides, chef d’un orchestre fantôme dont la musique traduisait le côté sombre de l’existence. Les membres du groupe, frappés par la possibilité qu’offre la technologie de jouer de la musique sans instruments, se sont appropriés son nom.

J’adore Amduscia. Vraiment. J’aime leur mélancolie, l’efficacité de leurs titres les plus dansants et surtout, j’aime que chez eux la voix ne prenne jamais plus d’importance que la musique, et que la mélodie se développe de manière quasi organique, exactement comme je l’avais écrit il y a quelques années chez VNV Nation. Et de ce point de vue, je crois bien que Delirio Asesino n’est pas loin d’être mon morceau préféré de tous les temps.

Delirio Asesino – Dead or Alive – 2005.

Edgar, co-fondateur du groupe, est décédé en 2009 ou 2010 je crois, et j’ai vraiment craint que le groupe ne s’arrête. Mais non, en hommage à son frère d’armes, Polo a assuré les dates prévues, sorti l’album et même réussi à emmener Amduscia vers de nouvelles contrées, toujours plus mélodiques et agressives.

Au fil des années, Amduscia a produit des albums très différents les uns des autres, de From abuse to apostasy qui contient des titres planants, presque ambiant, au technoïde Madness in Abyss. Entre tous mon cœur balance, alors je mets carrément ma playlist :)

Amduscia sur Facebook

La relève : Bestias de Asalto

Nouveaux venus sur la scène électro (leur premier album date de 2012 si mes informations sont exactes), Bestias de Asalto compose des titres d’une violence inouïe. Je n’ai rien trouvé sur le web qui me permette d’affirmer que leurs textes doivent être pris au second degré ; je le crois et l’espère en vertu du fait qu’ils ont déjà joué en première partie d’Hocico et que j’ose supposer qu’Hocico ne soutient pas l’idée que violer une femme soit une chouette idée.

Ni le texte ni l’image ne font dans la dentelle, et on se prend à réaliser qu’aujourd’hui, le véritable instrument et interprète de la rage n’est plus le rap – ni même le rock. On entrevoit à peine la misère quotidienne qui pourrait conduire à un tel déchaînement.

Arsenal – Bestias de Asalto – 2012.

En tout cas, comme pour Amduscia, l’influence d’Hocico se fait clairement entendre. Et pourtant, comme pour Amduscia, la musique de Bestias de Asalto ne ressemble pas du tout à celle de Hocico : elle est beaucoup plus rapide, du coup les rythmiques ne sont pas du tout les mêmes. Je les trouve aussi plus « froids », sans pouvoir vraiment expliquer ce ressenti :)

Sacrifice Annihilation (Mini EP) – Bestias de Asalto – 2014.

La toute dernière sortie : un EP trois titres. Un peu court, j’attends la sortie d’un véritable album pour dégainer ma carte bancaire :) La page Facebook de Bestias de Asalto

SIN D.N.A

Avec Sin D.N.A, je triche complètement puisqu’ils ne sont pas du tout mexicains : ils sont texans ! Cependant, j’ai préparé mes arguments, vous allez voir : si Nantes a un jour été bretonne, je rappelle que le Texas fut jadis une terre mexicaine. De plus, j’ai découvert ce groupe parce qu’il partage très souvent l’affiche avec des groupes mexicains, dont Hocico et Bestias. Donc bon, hein.

Dying World – Sin D.N.A – 2012.

Musicalement, on se rapproche un peu plus des Allemands, Suicide Commando en tête, d’après moi. Je reparlerai de ce dernier plus tard, mais je dirais déjà qu’à la différence de ce groupe, quand Sin D.N.A trouvent une mélodie, ils la développent jusqu’au bout, ils ne se contentent pas de la répéter pendant cinq minutes.

Thorns for Misery – Sin D.N.A – 2012.

Puis leurs samples sont en espagnol, notez. Sur ce titre, la voix plus aiguë est également plus en retrait, s’effaçant derrière les lignes mélodiques qu’elle scande et accompagne. Avec, vers 3min30 et 4min50, le genre de vagues synthétiques dont je raffole.
Sin D.N.A sur Facebook

Ater Mors

Deuxième cas de triche flagrante et cette fois sans aucune excuse : Ater Mors est un groupe chilien. Mais je ne peux pas ouvrir un Electroböxx spécial Chili, voyez-vous, car je ne connais aucun autre groupe qui vienne de là-bas.

Palabras Cinicas – Ater Mors. Ah ! Ça fait longtemps que je n’avais pas partagé une vidéo « Industrial Dance » !

Je ne vais pas m’attarder sur ce groupe que je découvre tout juste et dont je n’ai pas apprécié tous les titres que j’ai pu entendre. Cependant, j’aime particulièrement celui-ci, parce que c’est typiquement le genre de trucs qui me fait sauter partout, et aussi parce que je trouve que le chanteur a une voix similaire à celle de vx69, le chanteur de Punish Yourself, ce qui est assez surprenant (Punish qui, pour son dernier album, se prend pour un groupe mexicain…)

C-lekktor

De vrais Mexicains, cette fois. Beaucoup plus technoïde, en témoigne ce Hellektro Convulsion Therapy, que j’ai choisi pour son titre de bon augure ^^


Dansant et agressif, mélodique et bruyant à la fois, ce à quoi l’électro devrait toujours ressembler (je détiens la vérité quant à ce qui est bon ou pas en électro, oui, tout à fait).
C-lekktor sur Facebook

Cenobita

Je n’aime pas ce groupe, mais impossible de passer à côté. Fondé en 1993, c’est l’une des références dans le milieu.

Slaves – Cenobita. Je n’aimerais pas énerver ce monsieur ^^

C’est surtout la voix qui me pose problème. Peut-être plus orienté EBM, Cenobita met en avant des vocaux à la linéarité toute germanique.

Indiferencia – Cenobita. Les paroles politiquement engagées sont à mon avis une des raisons de la réussite du groupe. Le site officiel de Cenobita

Des groupes moins connus, pour qui ça devient difficile de trouver des vidéos

Peut-être parce qu’ils sont super rigolos, faut dire :P. Tonada – Ogo

The Angel with the scabbed wings – Engraved Ritual & God Destruction.

Une reprise très surprenante par un groupe évoluant dans un genre hybride, une espèce de black metal (pour l’esthétique et les textes) matiné d’électro. Pas forcément du meilleur effet :

Armageddon – God Destruction.

Disons que je ne trouve pas ça super original.

El Mundo y sus Demonios – Neuvision -2013.

Je trouve les intentions de ce monsieur très louables, mais d’après moi ça ne le fait pas du tout, c’est super kitch !

Pour finir, j’ai trouvé sur Youtube ce mix de groupes mexicains. Je ne pense pas que ce soit la meilleure façon de les découvrir et je ne suis pas persuadée que tout ce que l’on entend dessus soit très original (mais le mix est très long et je ne l’ai pas écouté en entier, loin de là). La liste des groupes utilisés est (super pratique, pas d’indication du moment où les morceaux commencent, mais bon).

C’est tout pour aujourd’hui (et c’est déjà pas mal, je trouve) ! J’essaierai de creuser les pistes offertes par ce dernier mix dans un billet à venir, et également d’offrir quelques bons exemples de groupes allemands, quand même, vu qu’à la base j’ai ouvert ce sujet pour me moquer gentiment d’eux :)



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