Le Bazzart de Kalys

À rebours – Placebo

Sur Le Golb, il y a une rubrique que j’adore, intitulée Ten Years After. Le principe, c’est de chroniquer, dix ans après, un album qu’on avait adoré lors de sa sortie.
Quand bien même j’aurais voulu plagier le concept, je n’aurais pas pu : les disques, c’est comme les livres, je les découvre rarement au moment où ils sortent. Et puis la chronique journalistique est un exercice qui m’emmerde de plus en plus. Les gens sont déjà bien assez nombreux à le pratiquer, avec plus ou moins de bonheur. Je n’ai ni l’envie ni les qualifications pour le faire.
Mais comme j’aime vraiment bien l’idée et qu’il m’arrive souvent de me demander « est-ce que j’aime toujours cet album? », j’ai pensé que ça pourrait être sympa de réécouter ces disques que je ne sors presque plus jamais.
Enfin, le premier auquel j’ai pensé, je n’ai jamais cessé de l’écouter. Ça faisait un moment que je ne l’avais pas joué, mais c’est l’un des rares dont je sais déjà que je l’aime toujours.

J’ai certainement écouté ce disque en d’autres circonstances, mais il ne me rappelle rien d’autre que le port de Sanary, les éclats de lumière qui dansent sur la mer, et la petite chambre que nous occupions dans la maison de ma grand-mère. Les lits jumeaux et les enceintes d’ordinateur branchées sur le baladeur CD. Il me semble que ce disque a toujours été sur mon étagère, alors que, dans mon souvenir, c’est Muriel qui l’a acheté. Mon disque à moi, cette année-là, c’était Without you I’m nothing, je pense. Ce qui a motivé l’achat de son prédécesseur (c’est l’avantage de tout partager avec sa sœur.)
J’ai adoré Placebo. Je les ai ensuite détestés avec la même ferveur. J’aurais pu me faire à leur succès, j’aurais simplement évité de dire que j’aimais le même groupe que tout le monde. Mais il aurait fallu qu’ils ne passent pas chez Charlie et Lulu et que Brian Molko ne me fasse pas chier avec le téléchargement et la façon dont il allait nourrir sa fille.
Aujourd’hui, je suis de nouveau capable, objectivement, de constater que Sleeping with Ghosts est un bel album (et que son titre est magnifique), et Meds aussi, même si son sujet m’emmerde. Tous les albums de Placebo sont emprunts d’une… élégance. Sauf le premier, l’éponyme. Il est extraordinaire : on a rarement entendu un son et des compos aussi originaux sur un premier album. Mais ça s’entend que c’est le premier, ça s’entend qu’ils sont jeunes, et c’est ce que j’aime. J’ai l’impression que c’est l’expression aboutie d’un univers plein de cassures, très romantique dans son côté rock’n’roll, pas encore tout à fait une œuvre d’art comme le sera Without you. Without you est précieux. Placebo, on le dirait composé exprès pour passer dans le walkman d’un ado. Sa pochette l’illustre très bien : c’est encore une histoire de gamin, tour à tour en colère ou triste, un gamin qui fait des bêtises, qui fume sa première clope, qui s’habille n’importe comment pour faire chier le monde. Without you sera plus intime, un réveil à l’aube après une soirée entre amis-pour-la-vie.

J’ai des émotions et des images très précises associées à Without you, et c’est beaucoup moins le cas pour Placebo. Placebo est un de ces rares albums de mon adolescence que je connais par cœur sans pour autant qu’il fasse naître dans mon ventre cette impression bizarre, entre la nostalgie et le souvenir. Aussi particulier soit-il, je peux l’écouter de manière… détachée. Il est excellent et c’est tout ce que j’entends. Ce n’est pas un réceptacle, c’est un objet à part entière.
C’est assez bizarre parce que je ne trouve pas tellement d’exemples d’autres disques qui n’aient pas, à un moment ou un autre, servi à exprimer/refléter/exacerber quelque chose que j’ai ressenti. Pas dans mon adolescence, en tout cas.



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